Aumone de synthèse...
une quête d'absolu à but non lucratif.

 

Absorbé que j'étais par l'exercice éminemment prérilleux d'une "ingurgitation menthale", un individu que je n'avais jamais rencontré jusqu'alors et qui prétendait appartenir au cercle étroit de mes relations par le truchement de quelques connaissances apparemment intimes, m'apostropha fort civilement tout en prenant place à mes côtés...

Nous nous entretînmes aussitôt de divers sujets d'une profondeur insoupçonnable dans un langage étonnamment superficiel, tandisque je me délectais d'une boisson générique, choix certes subtil mais dicté à vrai dire, plus par la modicité de mes moyens que par un goût inné de l'aventure.

L'inconnu, dans un soucis de ne point mettre à trop forte contribution le maigre subside que m'allouait avec une régularité précaire la Caisse Interprofessionnelle d'Aide aux Travailleurs Sans Emploi, se fit servir "la même chose !!!". 

Eu égard à notre débauche apréritive, la maison ne recula devant aucun sacrifice, et le patron en personne nous gratifia d'une coupelle de picholines, dont les noyaux passablement décharnés s'amoncelèrent avec force chiquenaudes dans l'escarcelle désespérément vide d' un gueu dépenaillé au chien miséricorde*. La discussion s'amenuisant à mesure que son verre se désemplissait, mon interlocuteur se leva, et s'excusant de ce que notre entrevue ait été si brève, s'appropria les quelques menues monnaies qui tenaient lieu de pourboire, avec un tel dédain, que j'en vins à blêmir de mon ingratitude.  

N.B. Réunis en Assemblée extraordinaire le 14 Juillet 2004, il est convenu entre les parties en présence d'une réévaluation de la cotisation (et de ce fait du droit d'entrée), tel que prévu à l'article 7 des statuts associatifs, laquelle cotisation se limitera dorénavant au versement d'un Euro symbolique.

 * Il essayait de le cacher, mais cela se voyait : c'était un nouveau pauvre, un peu snob et prétentieux, sentant encore sa bourgeoisie. Il étalait trop sa misère: sa crasse, ses loques étaient trop criardes, son regard trop minable. [...] Il me regardait par-dessus son épaule d'un air de mépris sans deviner que sous mes haillons décents battait le coeur d'un pouilleux qui comptait des mendiants professionnels dans sa famille jusqu'à la septième génération. - R.Azcona, Nuevo Pobre, dans Antologia del Humor Espanol - .

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